26/05/20

Déconfinement : plus de mobilisation et transition vers le retour de l’activité sur site des banques et assurances

Dans notre dernier article consacré à la mobilisation des acteurs de la banque et de l’assurance, nous constations qu’après une mobilisation très rapide et un certain nombre de mesures mises en place pour faire face à la crise sanitaire du COVID-19, les acteurs de la banque et de l’assurance renforçaient leurs actions malgré certaines limites et difficultés.

Le confinement des Français a pris fin le 11 mai 2020 mais il ne s’agit pas d’un retour à la normale pour le pays, loin de là. Dans ce contexte de transition, faisons ensemble le point sur la façon dont banques et compagnies d’assurance traversent cette nouvelle période : entre reprise progressive de l’activité sur site et continuité dans les mesures de soutien. S’il n’est pas encore possible de dresser le bilan et de comprendre quelles seront l’ensemble des conséquences pour le secteur, ce billet sera également l’occasion de s’interroger sur les tendances qui se dessinent.

Le déconfinement s’organise pour les banques et assurances avec une reprise très progressive des activités sur site

Depuis le 11 mai, les banques et assurances entament leur déconfinement cependant, pour bon nombre d’entre elles le recours privilégié au télétravail devrait se prolonger au moins jusqu’à la fin de l’été. A cet égard, la Fédération Française de l’Assurance (FFA) estime que d’ici fin juin, seuls 10% à 20% des postes sur site devraient être occupés au sein des compagnies. Dans tous les cas, si différentes stratégies de mise en œuvre se dessinent, prudence et progressivité restent les maîtres mots.

De manière générale, le déconfinement s’organise en vagues ou étapes successives. Generali met en place son déconfinement en commençant par les équipes commerciales qui ont débuté leur retour sur site à partir du 11 mai, doit s’en suivre la reprise des équipes managériales à partir de la semaine du 25 mai puis une ouverture aux autres salariés prévue courant juin. En juin, Le taux maximal d’occupation des locaux ne devrait pas excéder 20% afin de garantir le respect des mesures de distanciation sociale.

De même que pour Generali, la Matmut organise sa reprise en plusieurs étapes. Dans un premier temps, seuls 25% des effectifs devraient reprendre sur site au cours du mois de mai tout en continuant à privilégier le télétravail quand il est possible ou nécessaire (personnes fragiles, garde d’enfants,…). Pour accompagner cette reprise, des mesures de rotation d’effectifs et d’amplitude horaire élargie sont mises en place afin de limiter les effectifs sur site et de garantir l’application des gestes barrière sur le lieu de travail.

Les assureurs et les banques poursuivent leurs contributions à l’effort national pendant cette période de déconfinement

Banques et assurances continuent à se positionner en relais des politiques publiques

Les banques se font le relais des politiques publiques via la mobilisation de leurs équipes pour la distribution du prêt garanti par l’état (PGE)

Au 14 mai, un mois et demi après son lancement, 100 milliards d’euros ont été versés et plus de 500 000 demandes ont été traitées, ce qui correspond à près de 15 mois de production de crédit en temps normal d’après la Fédération Bancaire Française (FBF). En parallèle, ont été accordés près de 20 milliards d’euros de reports de crédits. D’après Frédéric Oudéa, président de la FBF, « Ce passage symbolique (…) l’illustre : les banques sont totalement mobilisées au service de leurs clients ». Notons cependant toujours l’existence de polémiques autour des délais de traitement et critères d’octroi, comme nous avions pu le détailler lors de notre précédent article.

Les assureurs sont également relais de la politique nationale par le maintien des prestations sociales et ce, malgré la baisse des cotisations subie

Si le dispositif de chômage partiel a pu être lancé rapidement et soulager les entreprises dont l’activité s’était largement réduite, il demeurait quelques inconnues concernant certaines modalités telles que le maintien des droits de protection sociale complémentaires (prévoyance, santé et retraite).

Le projet d’accord national interprofessionnel (ANI) lancé n’ayant pas pu aboutir, les différentes parties prenantes ne parvenant pas à atteindre un consensus, le gouvernement s’est emparé de la question via un projet de loi à l’étude depuis le 14 mai qui doit lui permettre de prendre, par ordonnance, les mesures nécessaires à la protection des droits des salariés en activité partielle. D’après l’Argus de l’assurance, cette loi permettra notamment d’assurer le maintien des garanties de protection sociale complémentaires et des droits au régime de retraite de base.

Enfin, les services financiers s’engagent dans le soutien aux secteurs de la restauration, du tourisme et de l’événementiel sportif et culturel, parmi les plus touchés par cette crise sanitaire

Dans le cadre du plan de soutien massif à la restauration au tourisme et à l’événementiel sportif et culturel annoncé le 14 mai par le premier ministre, la contribution du secteur de l’assurance s’élèvera à 1 milliard d’euros au total, deux tiers d’engagements contractuels vis-à-vis des clients et un tiers de versements et contributions volontaires. Par ailleurs 10% des 1,5 milliards d’euros du plan de d’investissement porté par les assureurs seront fléchés vers le secteur du tourisme.

Banques et assurances continuent également à engager des actions de soutien à destination de leurs clients

Dans la continuité des actions dont la mise en place avait commencé pendant le confinement et que nous avions pu évoquer dans nos précédents articles, banques et assurances renouvellent et complètent leurs actions de soutien à destination de leurs clients.

Axa France a récemment débloqué 60 millions d’euros pour permettre à son réseau d’agents généraux de soutenir ses clients professionnels et entreprises les plus touchés. Allianz met en place une mesure similaire en débloquant 90 millions d’euros également à la main de ses agents généraux.

De son côté, GMF a décidé d’emboiter le pas de la MAIF qui, non sans polémiques, avait d’ores et déjà décidé de restituer 100 millions d’euros à ses assurés auto en raison de la baisse de la sinistralité. GMF a donc décidé de restituer 40 euros de cotisations à ses assurés auto et moto (seront éligibles les assurés disposant, au 30 mars, d’un contrat tous risques d’un bonus / malus à 0,50 et d’une cotisation annuelle supérieure à 40€). Alors qu’UFC-Que choisir réclame 2,2 milliards d’euros de rétrocession de la part des assureurs, ce geste de générosité illustre à nouveau l’hétérogénéité des positions au sein de la profession.

Enfin, Société Générale Assurances a renouvelé son soutien à ses clients ayant été en première ligne pendant cette crise sanitaire. Le bancassureur a prolongé la durée du prêt de véhicule de remplacement pour ses assurés réquisitionnés et, en association avec la Banque Française Mutualiste (BFM), 3 mois d’assurance risques domestiques ont été offerts aux agents hospitaliers clients des deux institutions.

Enfin, banques et assurances poursuivent leurs efforts de soutien à destination de la société et de l’ensemble des français

Les actions initiées au démarrage du confinement pour accompagner les Français dans cette période se poursuivent car bien que le déconfinement soit entamé, le retour à la normal n’est pas encore de mise. Pour accompagner les élèves ne pouvant pas retourner à l’école, la MAIF s’est engagée dans le développement d’outils dédiés à l’accompagnement scolaire et propose un accompagnement allant de la maternelle au supérieur.

De même, les initiatives à l’intention des EHPAD continuent. GMF, par exemple, s’engage auprès d’organismes afin de les équiper en tablettes et ainsi contribuer au maintien du lien entre les personnes âgées et leurs proches.

Un déconfinement très progressif donc, comme l’a souhaité le gouvernement et bien qu’il ne soit pas encore possible de dresser un bilan complet de la crise sanitaire certaines tendances émergent

A moyen terme, le bilan financier de la crise pourrait s’avérer élevé pour les banques et assureurs

Comme nous avons pu le voir banques et assureurs ont multiplié les initiatives pendant cette crise sanitaire et ont déployé un arsenal de mesures diverses et variées pour en limiter les effets, il convient donc de s’interroger sur le coût et les répercussions de ces mesures.

Pour les banques c’est la distribution massive du PGE, qui pourrait avoir des répercussions. La profession s’inquiète à plus long terme de l’explosion du taux d’endettement général dans un contexte de risque de crise économique accru et ce, en particulier pour les entreprises déjà fragiles avant crise.  Les banques anticipent donc déjà une hausse importante des volumes de restructurations de dettes dans les années à venir faisant ainsi grimper de manière significative les coûts de gestion / recouvrement.

Pour les compagnies d’assurance, la Lloyds estime le coût de la pandémie à 203 milliards de dollars pour l’année 2020 à l’échelle mondiale dont un tiers dédié aux indemnisations ; il s’agit donc d’une des catastrophes économiques les plus coûteuses pour le secteur. A cet égard, la France ne fait pas exception et le bilan pourrait être lourd ; en particulier pour certains assureurs dont le contrat perte d’exploitation sans dommage n’exclut pas de manière explicite la prise en charge des pandémies. Ce risque a d’ailleurs été confirmé par la condamnation récente d’Axa face au restaurateur Maison Rostang ayant porté plainte contre l’assureur qui refusait d’indemniser ses pertes. Le Tribunal de Commerce de Paris a estimé que l’absence d’exclusion explicite du risque de pandémie dans le contrat d’Axa impliquait de facto, une prise en charge. Axa a fait appel de cette décision cependant, celle-ci illustre bien l’importance du risque juridique et financier associé pour les assureurs en cette période.

La crise du COVID qui a mis en lumière la vulnérabilité de l’économie face aux catastrophes systémiques pourrait voir émerger de nouveaux types de couvertures assurantielles

Si la question des indemnisations des pertes d’exploitation a fait grand bruit, donnant même lieu à une étude de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), elle a aussi mis en évidence la vulnérabilité du tissu économique français face au risque systémique de pandémie. Ce constat a donc fait émerger de nouvelles discussions autour d’un système de couverture pour ce type de risque mais les positions au sein du monde de l’assurance sont multiples. Certaines compagnies, à l’instar d’Axa défendent l’idée d’un régime pandémie détenu par l’état et les assureurs, d’autres comme Allianz se montrent plus frileuses. La question fait d’autant plus débat que c’est le mécanisme de mutualisation, principe fondateur de l’assurance telle qu’on la connait aujourd’hui, qui est en question. Aussi, la FFA suggère-t-elle d’axer les réflexions autour d’un système « d’accumulation » dont les fonds pourront être mobilisés en cas de nouvelle catastrophe.

Enfin, cette crise pourrait contribuer à l’accélération de la transformation des organisations

La crise et le mode de vie qu’elle a imposé à la société pourraient en effet accélérer certaines tendances client qui étaient déjà largement à l’œuvre telles que la digitalisation des usages et la relation client à distance ; en fonction de la durée de la crise, l’accélération pourrait être d’autant plus marquée. En ce sens, si banques et assurances ont d’abord donné la priorité à la continuité de l’activité et se concentrent aujourd’hui sur la mise en œuvre d’une reprise progressive, les sujets d’adaptation à ces nouveaux usages restent largement de mise.

Par exemple, pour le secteur bancaire dans lequel la question de la densité du réseau est interrogée depuis un certain temps, la crise pourrait jouer le rôle de catalyseur. Comme l’explique un Credit Officer chez Moody’s « la période de confinement constitue indirectement un test pour les banques qui voient leurs clients recourir de façon ‘forcée’ aux services digitaux. Cela pourrait durablement modifier le comportement des clients et leur fréquentation des agences ». Toujours selon Moody’s, cette dé-densification des réseaux physiques bancaires pourrait s’accompagner d’une spécialisation et expertise accrues des agences maintenues.

Ce décryptage offre un premier éclairage concernant l’action des banques et compagnies d’assurance 2 semaines après la fin du confinement. Cependant, force est de constater que l’ensemble des acteurs économiques avancent encore à tâtons dans cette nouvelle étape. Les annonces du 2 juin, concernant la phase 2 du plan de déconfinement, devraient apporter davantage de visibilité et donneront donc très probablement lieu à de nouvelles initiatives.

Un article rédigé par Lina Hayane