16/11/20

Les acteurs historiques du marché des télécoms

Dans notre article « L’âge d’or des opérateurs télécoms », nous racontons les 10 années glorieuses qu’a connu le secteur des télécommunications entre 1998 et 2008. Afin de compléter ce dernier, nous mettons l’accent sur l’histoire des principaux acteurs qui constituent aujourd’hui le paysage concurrentiel du marché des télécoms.

France Telecom / Orange

France Telecom est l’héritière de la Direction générale des Télécommunications créée au sein du ministère des PTT en 1941. Cette entité est donc à l’origine une administration totalement publique qui est chargée de développer le réseau téléphonique et de raccorder les foyers français. Le téléphone est alors considéré comme un service public. À la fin des années 80, une directive européenne instaure le principe d’une ouverture à la concurrence du secteur des télécommunications. Pour s’y conformer, la Direction générale des télécommunications prend le nom de France Télécom le 1er janvier 1988 et à l’été 1990, France Telecom perd définitivement son statut d’administration pour devenir un établissement de droit public, financièrement indépendant de l’État. Son premier président est Marcel Roulet, un ancien polytechnicien et l’actionnaire unique restera l’État français jusqu’en 1997.

En juillet 1992, France Telecom lance Itineris le premier opérateur de téléphonie mobile à la norme GSM. Il devient également un fournisseur d’accès à Internet en 1995 avec la création de Wanadoo, deux ans après les premiers fournisseurs, et après avoir tenté d’empêcher l’arrivée d’internet en France. En juillet 1996, pour préparer l’ouverture du marché français à la concurrence, une loi fait de France télécom une société anonyme dont l’État demeure toujours l’actionnaire unique. Quelques mois plus tard, France Telecom procède à une première ouverture en bourse, puis à une deuxième en 1998. Son action atteindra le record historique de 218€ en mars 2000 pendant la bulle internet. Cette même année, le groupe France Télécom rachète la grande majorité du groupe télécom britannique Orange et l’intégralité en 2003. Il fusionne ensuite ses activités mobiles (Itinéris, OLA et Mobicarte) en une filiale nommée Orange SA. En 2006 Wanadoo disparait également, remplacé par Orange qui devient l’unique marque commerciale de France Télécom. Entre temps, en 2004, la participation de l’État dans le capital de France Télécom passe en dessous de 50%. La société devient de facto une entreprise privée.

SFR

SFR est à sa création en 1987 une filiale de la puissante Compagnie Générale des Eaux, devenue Vivendi en 1998, créée à l’époque où le groupe est présidé par Guy Dejouany. La Générale des Eaux est présente à l’époque dans de multiples activités de services aux collectivités locales (eau, transport, BTP, environnement…), mais possède également une participation dans Canal+ depuis sa création en 1983. La création de SFR correspond à une réelle diversification dans les télécommunications.  SFR commencera par opérer un service de radio-télécommunications analogique en exploitant la technologie NMT, avant d’obtenir une licence d’opérateur GSM. Le groupe se lancera ensuite dans le fixe en 1998, sous la marque CEGETEL, d’abord sur la téléphonie longue distance, puis dans la fourniture d’accès internet. Sous l’impulsion de Jean-Marie Messier qui succède à Guy Dejouany, le groupe devenu Vivendi accélèrera son basculement vers le monde des télécoms, des médias et des contenus (prise de participations dans Havas, augmentation de la participation dans Canal+, et surtout rachat Seagram en 2000). Ce basculement se traduira également par la création de Vizzavi. L’éclatement de la bulle Internet et l’éviction de Jean-Marie Messier en 2002 donneront un coût d’arrêt à cette dynamique. SFR, qui souffrira de façon forte après l’entrée de Free sur le marché de la téléphonie mobile, sera vendue à Altice/Numéricable, le groupe constitué par Patrick Drahi dans les années 90 par consolidation du marché des câblo-opérateurs.

Bouygues Telecom

Au début des années 90, le groupe Bouygues est connu pour ses activités dans le BTP où il fait partie des leaders mondiaux et pour sa prise de participations dans TF1, au moment de sa privatisation. Francis Bouygues, à l’instar de Guy Dejouany à la tête de la Générale des Eaux, veut continuer à diversifier le groupe dans les médias et les télécoms. En 1994, Bouygues obtient la troisième licence d’opérateur mobile et se voit donc accorder l’autorisation d’établir et exploiter en France métropolitaine, un réseau public à la norme GSM. Possédant un réseau moins étendu que ses concurrents arrivés quatre années plus tôt, Bouygues Telecom adopte une stratégie d’innovation pour développer et préserver ses parts de marché. En 1996, il entre sur le marché et invente le « forfait de téléphonie mobile ». Il propose ainsi un abonnement incluant directement les minutes de communication intégrées au forfait, ce qui permet au consommateur de mieux anticiper ses dépenses télécoms. En 1997, Bouygues Telecom propose un téléphone gratuit en échange d’un abonnement sur une période définie. En 1999, il fait le buzz en lançant la 1ère offre avec appels gratuits, le forfait Millenium : pour 240Fr par mois (environ 40€) le client dispose de 2h de communications pour la semaine et des appels gratuits le week-end vers les abonnés de l’opérateur et vers les fixes. Ce n’est qu’en 2008, que Bouygues Telecom devient fournisseur d’accès Internet (FAI) avec la Bbox. 2009 est d’ailleurs marquée par la création du Tout-en-un Ideo, première offre quadruple play en France.

Malgré le lancement de ces offres marketing innovantes, Bouygues Telecom ne parvient pas à réellement augmenter ses parts de marché sur le mobile et restera le 3ème opérateur derrière Orange et SFR. En 2012, l’arrivée de Free bouleversera le paysage concurrentiel mobile et nuira fortement au positionnement de Bouygues Telecom.

Free / Iliad

La société Iliad créée en 1991 par Xaviel Niel, est active au début des années 90 dans le domaine du minitel. En 1999, Iliad obtient une licence de télécommunications et se positionne très vite sur le marché de l’accès à internet sous la marque Free. Il se distingue en proposant un accès à Internet bas débit sans abonnement avec une minute au prix d’une communication locale. Free va accélérer son développement à partir de l’arrivée du haut débit, avec la technologie ADSL, en se lançant très vite dans le dégroupage, et en innovant du point de vue technique et marketing avec le concept de box. La première Freebox est lancée 2002, au prix forfaitaire très agressif à l’époque de 29,99€. Les versions ultérieures de la Freebox permettront d’offrir des services de plus en nombreux, sans révision du prix, qui deviendra la référence du marché. 

La bonne dynamique commerciale de Free permet une introduction en bourse réussie d’Iliad en 2004, qui donnera au groupe les moyens financiers d’accélérer son développement et le déploiement de son réseau dégroupé. En 2008, Iliad rachète Alice, la filiale française de Télécom Italia.

En 2009, Iliad obtient la 4ème licence d’opérateur mobile sur le marché français. Iliad parvient à lancer ses offres mobiles fin 2011, en s’appuyant notamment sur un accord d’itinérance conclu avec ORANGE. Ces offres sont extrêmement agressives, avec un forfait Voix/SMS/Data illimité à 19,99€ par mois (sans subvention du terminal), et un forfait deux heures pour 2€ par mois. Ces offres rencontreront un très fort succès commercial, et obligeront les opérateurs établis à lancer, sous de nouvelles marques, des répliques de l’offre illimité pour limiter les pertes d’abonnées (Sosh pour Orange, Red pour SFR, et B&You pour Bouygues télécom).

Un article rédigé par Pascal Boulnois et Youssef Drissi Kamili