02/03/22

L’arrivée des offres de tarification dynamique en France : une contrainte à envisager comme une opportunité

Dès le 1er juillet 2023, les fournisseurs d’électricité assurant l’approvisionnement de plus de 200 000 sites devront obéir à une nouvelle contrainte légale : proposer une offre de tarification dynamique ouverte à tous les clients disposant d’un compteur Linky d’une puissance inférieure à 36 kVA.

Cette obligation, dont on doit l’initiative à l’Union Européenne, a pour but d’offrir au client la possibilité de maîtriser ses dépenses d’énergie au plus près des prix du marché : un client d’une telle offre sera facturé au prix de marché (SPOT) de l’énergie, heure par heure. L’avantage est double : en surveillant le prix du marché, le client pourra à la fois maîtriser ses dépenses en électricité, en décalant sa consommation aux heures creuses réellement observées jour après jour ; et ces heures correspondant en général à celles où le contenu carbone de l’électricité est le plus faible, il pourra également limiter son impact sur l’environnement.

L’échec du lancement des offres de tarification dynamique en France

Cela sous-entend cependant que le client ait la possibilité de décaler sa consommation d’électricité, et de vérifier régulièrement les variations de prix d’énergie. En effet, un suivi attentif et un déplacement de consommation aux heures les moins chères permettent de réaliser des économies d’énergie ; mais dans le cas contraire, et notamment lorsqu’il n’est plus possible de reporter indéfiniment sa consommation, le client pourra éprouver des difficultés financières. Deux exemples illustrent bien cet inconvénient : la période hivernale (on pense à la spectaculaire envolée des prix de 10 000% au Texas en 2021), et la crise de l’énergie qui a commencé il y a déjà plusieurs mois.

C’est sans aucun doute la raison pour laquelle les premières offres de tarification dynamique n’ont pas décollé en France. Début 2021, le fournisseur danois Barry avait lancé la toute première offre de tarification dynamique en France ; dans la foulée, E. Leclerc avait annoncé le souhait de lancer sa propre offre de tarification dynamique. Mais après un démarrage très discret, Barry a finalement interrompu l’offre en octobre 2021 et E. Leclerc a indiqué reporter son lancement.

L’espoir de meilleurs lendemains pour la tarification dynamique en France

Dans d’autres circonstances, le pari de Barry et E. Leclerc aurait pu être gagnant : après tout, 90% des foyers français sont éligibles à l’offre grâce à leur équipement Linky, et leur attrait pour les solutions digitales, les économies et la protection de l’environnement laisse espérer le succès d’une telle offre à l’avenir. A l’image des pays du Nord : 90% des foyers du Danemark, de Suède et de Norvège bénéficient déjà d’une offre de tarification dynamique.

Côté fournisseur, l’offre de tarification dynamique pourrait devenir une opportunité : elle développe une image de marque engagée, conquiert une nouvelle cible, suscite l’engouement pour les offres et services liés aux économies d’énergie, et déporte les risques liés aux hausses de prix sur le client final. Reste à surmonter les challenges de cette offre : la modélisation tarifaire complexe, le risque de cannibalisation, mais aussi la rentabilité encore incertaine, puisqu’on ne connaît pas encore bien l’intérêt des consommateurs français vis-à-vis de ces offres.

Les facteurs-clé de succès pour le lancement d’une offre de tarification dynamique

Alors, comment assurer le succès d’une offre de tarification dynamique ? Il s’agit tout d’abord de bien cibler sa clientèle, car seule une frange de la population pourra être intéressée par les avantages de l’offre :

  • Intéressé par les économies d’énergie, le client est un grand consommateur (possesseur d’une voiture électrique…)
  • Flexible, il est capable de décaler sa consommation électrique. Certains fournisseurs avancent une économie moyenne de 15% avec un tarif dynamique (Engie Belgique, pour les détenteurs d’un véhicule électrique et ayant une consommation de 7000 kWh/an)
  • Technophile, il est à l’aise avec les outils digitaux, dispose d’équipements pilotables et peut surveiller plusieurs fois par jour le prix SPOT de l’énergie pour décaler sa consommation au meilleur moment, selon le signal prix
  • Avec un revenu élevé, il peut supporter les hausses de prix inévitables de manière ponctuelle, mois après mois

Le succès de l’offre dépendra alors de la capacité du fournisseur à dépasser les difficultés inhérentes à la tarification dynamique :

  • Une communication pédagogique et claire, pour rendre simple les notions compliquées relatives au suivi régulier des prix du marché
  • Des outils et services digitaux efficaces de pilotage en temps réel, pour suivre le plus simplement possible sa consommation, et donc ses dépenses d’énergie
  • Un modèle économique robuste, pour sécuriser la rentabilité de l’offre

Un article rédigé par Johanna Goldblum