20/01/23

Les évolutions du service client suite à la crise sanitaire : le cas Monoprix

Digitalisation accrue des comportements, renforcement du besoin de proximité ou d’instantanéité… la récente crise sanitaire a fortement participé à l’exacerbation de certaines tendances déjà émergentes, qui impactent fortement la relation client.

Patrick Guimet, chef du département “Réputation & Service Client” de Monoprix a accepté de partager avec VERTONE la manière dont son service client a pris le tournant imposé par la crise sanitaire et les impacts générés sur la gestion de son service aujourd’hui.  

Patrick Guimet, chef du département
“Réputation & Service Client” de Monoprix

Le service relation client dont il est en charge a pour ambition de mesurer la réalisation de la promesse de marque et de restaurer la confiance des clients faisant face à une promesse non tenue. Ce service gère 4 entités (Monoprix, Naturalia, Casino Plus, Franprix, avec une forte concentration des contacts sur l’entité Monoprix (62% des contacts)) et une grande diversité de canaux allant des canaux historiques (téléphone, mails / formulaires ou encore courrier) à des canaux plus innovants (réseaux sociaux et notamment TikTok, Whatsapp ou le chat).
Cela représente donc sur une année plus de 880 000 interactions clients (données 2021) au niveau national, gérées grâce à deux centres de contact Armatis localisés à Poitiers et à Porto, spécialisés respectivement sur le service consommateurs et l’e-commerce/fidélisation.

Chaque conseiller reçoit une formation continue grâce à un fort investissement sur les outils de gestion de connaissance. Ils sont ainsi formés pour répondre à des sollicitations sur des thématiques nationales comme le service de livraison Monoprix plus, l’offre mode et maison, le service d’abonnement Monopflix ou encore le compte M’ qui récompense la fidélité des clients… Chacun est formé sur l’ensemble des canaux à l’exception des réseaux sociaux qui nécessitent une expertise spécifique. Le service est également accompagné de Critizr pour gérer la relation client en local.

 À l’arrivée de la crise sanitaire COVID-19, son service a été très mobilisé. Les volumes de sollicitations ont explosé. Cette suractivité a parfois empêché de prendre la pleine mesure des enjeux de fond des nouveaux comportements. À l’issue de la crise, il a été nécessaire de redonner un nouveau sens à leur activité et à retrouver une place dans le dispositif, tenant compte des transformations engendrées. 

Ainsi, son service client a évolué pour répondre aux tendances déjà émergentes, renforcées avec la crise sanitaire.  

Nous allons ici zoomer sur deux de ces tendances et la réponse que Monoprix y a apportée.             

1. Le besoin de créer du lien et de la proximité

De plus en plus de clients ressentent le besoin de pouvoir s’adresser en direct à l’équipe des magasins qu’ils fréquentent et inversement, les magasins souhaitent de plus en plus pouvoir entretenir le lien avec leur clientèle. C’est pourquoi, Monoprix a construit un partenariat avec Critizr lui permettant de gérer la relation client locale avec notamment deux solutions :

  • Critizr Connect qui permet à 415 magasins de mesurer le NPS et gérer les remarques de leurs clients.
  • Critizr Engage qui permet à 200 magasins d’envoyer des campagnes locales hyper personnalisées à leur client et ainsi d’engager le discours.

Ces dispositifs aident les magasins à identifier rapidement leurs axes d’amélioration et aux clients d’humaniser la relation qu’ils peuvent avoir avec leur magasin à l’heure où 54% des consommateurs affirment que pour la plupart des enseignes avec lesquelles ils interagissent, « le service client a des allures de pièce rapportée » (Etude Zendesk 2022).

L’enseigne cherche également à se rapprocher de ses clients via l’utilisation du média Tik Tok qui permet de créer un engagement fort avec son audience. Sur ce média, Monoprix s’autorise à utiliser une charte conversationnelle très différente de celle employée sur ses autres canaux (tutoiement, beaucoup d’autodérision notamment autour du positionnement prix de l’enseigne) ce qui fonctionne très bien et lui permet d’améliorer son image de marque auprès d’une clientèle souvent plus jeune.

2. Le besoin d’instantanéité

90% des consommateurs jugent important, voire très important, d’avoir une réponse immédiate du service client, soit en moins de 10 minutes pour 60% d’entre eux (Etude Hubspot – août 2020).

Pour répondre à ce besoin, le service client piloté par Patrick Guimet a choisi de mettre en avant le téléphone au même titre que tous les autres canaux de communication, et ainsi renforcer l’approche conversationnelle. Il reste en effet le canal le plus simple pour expliquer son problème et ainsi obtenir une réponse rapide et n’est pas forcément plus coûteux quand on le rapporte au temps passé par problème résolu et non au temps passé par interaction.

En parallèle, le traitement de certaines problématiques récurrentes pour lesquelles la valeur ajoutée de l’échange avec un conseiller est très faible a été automatisé. Ainsi, pendant le confinement, Monoprix a lancé un chatbot permettant de rembourser automatiquement les clients qui avaient subi un retard de livraison. Dans la même optique, une réflexion est en cours afin de lancer un dispositif permettant de rembourser automatiquement le client lorsqu’il déclare un produit abîmé.  

Cependant, Patrick Guimet se refuse à aller vers l’instantanéité à tout prix et fait même « l’éloge de la lenteur » dans certaines situations.  Ainsi, pour lui : « La question est de savoir s’il vaut mieux apporter une réponse rapide mais peu qualitative ou prendre le temps de la réponse et ainsi apporter une solution concrète ». Cette nécessité de ne pas céder à l’instantanéité est d’autant plus vraie sur les réseaux sociaux sur lesquels les messages négatifs sont bien souvent un exutoire pour les clients plus qu’un réel questionnement nécessitant une réponse rapide. Ainsi, attendre quelques heures avant de répondre permet de laisser au client le temps de se calmer ou de contacter l’enseigne par un autre canal plus direct et moins exposé.

Comment Monoprix diffuse la Voix du Client et acculture ses collaborateurs aux enjeux Client ?

62% des Français ont déjà délaissé une marque après une mauvaise expérience client (Etude Qualtrics Nasdaq XM 2022). De plus en plus d’entreprises placent donc désormais le client au centre de leur stratégie, comme en témoigne la note d’orientation client des entreprises du baromètre Easiware 2022 qui passe en 2022 à 4,31/5 soit une augmentation de 2 points vs. 2021.    

Dans cette optique, le service client de Monoprix s’attache à écouter au mieux la voix du client et à la faire remonter dans l’ensemble de l’organisation et notamment à la Direction afin d’avoir des impacts directs sur l’expérience client globale délivrée par l’enseigne. Pour cela, un état des remontés clients est envoyé à l’ensemble des cadres dirigeants tous les mois. Les membres du COMEX reçoivent aussi tous les jours une sélection de verbatims.

Pour aller plus loin, un dispositif a également été mis en place pour que certains des cadres dirigeants soient régulièrement en charge de répondre eux même à certaines sollicitations clients afin qu’ils expérimentent les difficultés rencontrées par les équipes du service client.

Tout cela a pour objectif de s’assurer que le service client alimente une boucle de rétroaction vers l’ensemble de l’entreprise et ainsi pouvoir rapidement éliminer les insatisfactions remontées par les clients mais aussi mieux comprendre leurs attentes et leurs besoins.

Quelle vision du Service Client pour les prochaines années ?

La relation client a fortement évolué ses dernières années et devrait encore continuer à se transformer.

Patrick Guimet identifie deux tendances fortes pour les prochaines années.

D’une part, les enseignes se plateformisent de plus en plus avec la mise en place de nouveaux services comme le quick commerce ou les market places. Cette plateformisation a pour conséquence d’éclater le traitement de la relation client qui, dans un souci d’efficacité, est souvent traité au niveau de l’équipe en charge du sujet. 

À l’opposé, les contacts clients complexes sont de plus en plus nombreux suite à la montée en puissance du digital ou encore à la multiplication des mouvements financiers. Afin de traiter au mieux cette complexification, les entreprises ont besoin de conseillers de plus en plus spécialisés impliquant de centraliser la relation client.

À ce stade, il est difficile de prédire laquelle des deux tendances prédominera, néanmoins, cette distorsion, si elle prend de l’ampleur, sera un véritable défi à traiter pour les équipes en charge de la Relation Client.

Un article rédigé par

Tiphanie Gain, Consultante

Pierre Brun, Partner

Quentin Bois, Manager

Crédit photo : pixarno – stock.adobe.com