11/06/20

Mobilité post-COVID : les nouvelles habitudes en matière de mobilité quotidienne

Depuis le lundi 8 juin, les réseaux de transport en commun de la plupart des métropoles retrouvent un niveau presque équivalent à celui d’avant crise du Covid-19. L’augmentation de l’offre de bus, trams, métros et trains, et le retour aux horaires normaux doit permettre d’accueillir près d’un million et demi de voyageurs quotidiens en Ile-de-France, soit 30% de la fréquentation pré-confinement.

Dans un décryptage précédent sur la reprise des transports en commun, nous nous demandions si le fait de baisser drastiquement nos déplacements (la « dé-mobilité ») n’était finalement pas la solution vraie de la « reprise ». Ce concept n’est pas nouveau. Néanmoins, la crise et le confinement ont conduit chacun d’entre nous à repenser notre rapport à la mobilité et à la façon dont nous gérons nos activités quotidiennes. Que ce soit pour aller travailler, faire les courses ou effectuer des loisirs, de nouvelles habitudes ont été prises impactant directement la mobilité du quotidien. Dans cet article nous verrons dans un premier temps les impacts sur la mobilité d’entreprise, avant de nous intéresser aux nouvelles habitudes de consommations acquises visant à limiter les déplacements. Enfin, nous verrons que ces mutations de la mobilité post Covid-19 invitent les acteurs de la mobilité à se transformer pour répondre aux besoins des entreprises et des voyageurs.

Télétravail, forfait mobilité durable et MaaS : la révolution de la mobilité d’entreprise

Le travail est le premier motif de déplacement au quotidien. Pendant deux mois, plus de 8 millions de Français ont expérimenté le télétravail. Entre obligations professionnelles, continuité scolaire et tâches du quotidien, le climat était loin d’être propice à la concentration. Bien qu’imprévue et imposée, cette expérience à grande échelle a séduit 58% des personnes exerçant leur activité à distance. Ces dernières souhaitent à l’avenir « travailler plus souvent depuis leur domicile », d’après une étude du Think Thank Terra Nova. Cette nouvelle organisation du travail, plus souple, permet de diminuer les trajets quotidiens, de mieux concilier vie personnelle et vie professionnelle, et de choisir de travailler dans une grande métropole sans y habiter pour autant. Selon l’économiste Olivier Babeau, les villes attirent car elles concentrent emplois, services et vie sociale. Or, grâce au télétravail, aux outils informatiques et à la digitalisation des démarches administratives, “les attraits que l’on trouvait à la concentration seront désormais accessibles depuis n’importe où”. Ainsi, la tendance à l’exode urbain – Paris perd 12 000 habitants par an en moyenne depuis 2011 – va s’accentuer : selon une étude du courtier Empruntis, 46% des Parisiens veulent quitter la capitale. Les entreprises vont devoir s’adapter aux nouvelles aspirations de leurs collaborateurs et pourraient même y trouver un intérêt économique en diminuant les coûts fixes liés à l’immobilier.

Autre élément clef de la révolution de la mobilité d’entreprise : le forfait mobilité durable issu de la Loi d’Orientation des Mobilités (LOM). Initialement prévu pour juillet, le déconfinement aura permis d’accélérer son déploiement avec une entrée en vigueur au 11 mai. L’objectif est simple : désengorger les transports en commun sans saturer le réseau routier. Les entreprises peuvent désormais accompagner le changement de paradigme de la mobilité et verser jusqu’à 400 € par an et par collaborateur pour financer les déplacements domicile-travail effectués via des modes doux (vélo, covoiturage, services de mobilité partagée et l’autopartage à condition que les véhicules soient à motorisation non thermique). Ce financement, exonéré de charges sociales et fiscales, est cumulable avec le remboursement d’abonnement aux transports en commun, avec un plafond de 400 € au total. A moyen terme, nous anticipons que plusieurs entreprises proposeront des solutions de mobilité MaaS via une application mobile. Des acteurs comme Mobeelity proposent déjà une offre spéciale déconfinement.

Même s’il est peu probable à court terme de choisir les jours télétravaillés, à moyen terme, nous pensons que « le bureau sera un lieu de travail parmi d’autres » et qu’il sera possible de choisir facilement la solution de mobilité la plus adaptée pour nous rendre au travail ou effectuer nos déplacements professionnels.

Adaptation du mode de vie face à la crise : d’une dé-mobilité imposée à choisie

Le confinement a permis de prendre conscience que bon nombre de nos déplacements ne sont pas essentiels et d’apprécier un air plus sain, un environnement moins bruyant et le retour d’une certaine biodiversité, même au cœur des villes. La crise nous invite à repenser notre rapport à la mobilité et à la façon dont nous gérons nos activités quotidiennes. La diminution drastique des déplacements a favorisé l’émergence de nouvelles habitudes de consommation : achats en ligne, livraison à domicile, drive. Même les soins se consomment autrement avec le boom de la téléconsultation : plus d’un million de téléconsultations par semaine ont été recensées en avril, d’après le Ministre de la Santé. Doctolib prévoit de créer 500 emplois dans les trois ans à Nantes, ce qui nous invite à penser que la télémédecine va s’intégrer dans les pratiques des professionnels de santé. Avec la fermeture des salles de sport et les restrictions sur la pratique des loisirs, les gens se sont orientés vers de nouvelles activités sportives. Selon, le baromètre santé Odoxa, la part des personnes pratiquant du sport n’a pas souffert du confinement, bien au contraire : ce confinement a été l’occasion pour un Français sur cinq de découvrir de nouvelles activités sportives. Le beau temps aidant, la marche, la course à pied ou le vélo sont largement utilisés pour se maintenir en forme. A moyen terme, nous pensons que nous conserverons certaines des pratiques bénéfiques à la fois pour notre environnement, mais aussi pour notre santé. On parle de dé-mobilité, mais aussi de proxi-mobilité : privilégier les achats locaux, participer à la vie de quartier, redécouvrir les loisirs de proximité…afin de se diriger vers une mobilité plus locale et durable.

Les mutations de la mobilité post COVID-19 : tous les modes de transport concernés

Nouvelle organisation du travail, adaptation du mode de vie : les mutations de la mobilité post Covid-19 sont d’ordre organisationnel, s’appliquent à tous les modes de transport et touchent les individus, les entreprises et les opérateurs de transport.

Concernant les transports en commun tout d’abord, les opérateurs de transport augmentent progressivement leur offre mais constatent une affluence limitée, de l’ordre de 20%. « Pourtant, nos bus et nos rames de métro sont sûrs », affirmait le PDG de Keolis il y a quelques semaines. Il restait cependant optimiste sur un « retour à la normale » en prenant l’exemple du métro de Shanghai, où 65 % des voyageurs sont revenus, huit semaines après le déconfinement. Cela va dans le sens de l’enquête CSA où 2 voyageurs sur 3 pensent reprendre les transports en commun « comme avant » dans moins de trois mois, voire dans moins d’un mois pour près de 30% d’entre eux.

Le report vers des moyens de transport individuels est une réalité du déconfinement en agglomération.

  • Le retour en masse des voitures, tant redouté à Paris, ne s’est pas complètement produit lors des premières semaines de déconfinement. Tom-Tom constatait des bouchons très faibles : 15 minutes de retard sur un trajet type en heure de pointe contre 43 minutes sur les jours de semaine de 2019. Cependant, le 2 juin, la barre des 200 km de bouchons a été franchie en Ile-de-France, se rapprochant ainsi des valeurs classiques enregistrées en heure de pointe. Cela représente trois fois plus de ralentissements que lors des trois premières semaines de déconfinement.
  • Le vélo séduit acteurs du Transport et usagers. C’est ainsi que Decathlon, la plus grande enseigne de sport européenne va lancer D Rent, son service de location de vélo sans engagement à Paris et Lyon. L’atout de Decathlon par rapport à la concurrence : la prise en charge de l’entretien et des réparations.
  • Adapté pour les trajets courts, le vélo ne peut s’adresser aux millions de Français vivant dans les petites et grandes couronnes des villes. Pour ces derniers, les deux-roues motorisés représentent « un mode de déplacement à encourager parce qu’il participe au bouquet de solutions pertinentes pour une meilleure circulation et une moindre pollution », d’après la Fédération française de motocyclisme (FFM). « Un 2RM dans le trafic, c’est aussi une personne en moins dans les bus, les métros, les tramways, les trains de banlieue », affirment-ils.

Covoiturage, taxi et VTC s’adaptent pour offrir une solution de transport adaptée au contexte : un seul passager est généralement autorisé à bord du véhicule, à l’arrière. Passager et conducteur doivent porter un masque et il est recommandé d’aérer et de désinfecter le véhicule avant chaque trajet (source). A l’image des « black cabs » londoniens, l’entreprise chinoise de VTC CaoCao Mobility propose des véhicules dotés d’une vitre en Plexiglas pour éviter tout contact entre le chauffeur et le client. Ces derniers sont également dotés d’une rampe et d’un habitacle arrière de 6m2 adaptés aux personnes à mobilité réduite. Pour encourager le covoiturage, des voies réservées ont été mises en place sur l’A1 et l’A6A et les opérateurs concernés espèrent que ce dispositif sera étendu.

La crise du coronavirus a totalement bousculé les habitudes de mobilité impactant le choix du mode de transport mais aussi le choix même de se déplacer ou non. La mobilité peut s’adapter à nos activités, et comme nous l’avons vu dans l’environnement professionnel, le télétravail devient une nouvelle forme de mobilité pour le salarié.

A l’approche des vacances d’été, les Français s’interrogent : profiter de l’ouverture des frontières et partir loin ou bien privilégier le local ? Quel moyen de transport privilégier entre l’avion, le train ou la voiture ? Nous répondrons à ces questions lors d’un prochain décryptage.

Un article rédigé par Jessica Giorno