03/02/20

World Law Forum conference on fashion sustainability : VERTONE revient sur son intervention lors de l’édition 2020

L’industrie textile est l’une des plus polluantes au monde. Avec entre 3% et 10% des émissions mondiales de carbone selon les dernières études, la mode a un impact environnemental considérable du début à la fin de sa chaîne de valeur : extraction de ressources non-renouvelables, enfouissement, incinération sans recyclage, pollution au microplastique… Ajoutons à cela des préoccupations sociales et sociétales : opacité de la supply-chain, « Fast Fashion », conditions de travail dans les pays de production…

Avec la volonté de contribuer à la construction d’un modèle plus durable dans la mode, la conférence World Law Forum (WLF), qui a eu lieu à Paris le lundi 27 janvier, a réuni de nombreux experts de différents domaines.

VERTONE y a participé pour partager sa vision et son approche stratégique des enjeux RSE avec un focus sur l’industrie de la mode en y intégrant le point de vue du consommateur.

de nouvelles tendances de consommation

Lors d’une étude que nous avons menée en 2019, nous avons identifié trois grandes tendances de consommation auxquelles l’industrie de la mode doit faire face :

  • Une culture de la déconsommation dont la présence grandit : une nouvelle réflexion sur les usages du produit
  • Une demande grandissante de conception produits circulaires : une volonté de freiner la consommation de matières premières
  • Une volonté de transparence tout au long de la chaîne de valeur de la part du consommateur

Chez VERTONE, nous sommes convaincus que les marques doivent adopter une posture pro-active afin de répondre à ces grandes tendances de consommation et nous accompagnons nos clients dans la transformation de ces challenges en opportunités.

A l’occasion d’une table ronde sur le thème de l’innovation et l’économie circulaire dans la mode (recyclage et surcyclage) nous avons présenté notre vision et avons échangé avec des acteurs différents du monde de la mode :

Maeva Bessis (MB) – Deputy Director, L’Exception & Executive Director, La Caserne. Aux côtés des fondateurs de l’Exception, le concept store parisien qu’elle a managé de 2013 à 2019, Maeva a répondu à un appel à projet lancé par la Mairie de Paris pour la création d’un espace dédié à la mode éthique. Situé en plein cœur de la capitale, cet espace de 4000m2 ouvrira en 2021 avec pour objectif de valoriser les marques qui œuvrent à proposer une mode responsable.

Michael Beutler (MiB) – Director of Sustainability Operations, Kering. Michael a rejoint Kering en septembre 2011 en tant que directeur des opérations de développement durable. Il a joué un rôle essentiel dans l’opérationnalisation de la stratégie globale de durabilité de Kering. Il supervise et gère une équipe chargée de mettre en œuvre des approches novatrices transversales pour aider à gérer et à réduire les impacts environnementaux de la marque et répondre aux préoccupations sociales de la supply chain.

Nora Gherbi (NG) – Chief Representative France, City of London & Founder, Who CAREs!?. En parallèle de sa carrière, Nora a fondé l’initiative Who Care’s !? en 2008, initiative à travers laquelle elle exprime son engagement et fait la promotion de l’empathie dans le monde du travail.

Chacun revient sur leur manière d’aborder l’innovation et l’économie circulaire dans leurs activités respectives. Elisabetta Portioli, Manager en charge du secteur Mode/Luxe/Beauté chez VERTONE les a interviewés. Voici quelques-unes des questions marquantes de cette intervention.

De gauche à droite – Nora Gherbi, Michael Beutler, Maeva Bessis et Elisabetta Portioli

Selon l’étude sur les grandes tendances du retail que nous avons mené en 2019, nous avons pu identifier trois grandes tendances particulièrement applicables au secteur du luxe et de la mode : une culture de la déconsommation (réflexion sur les usages), une demande grandissante de conception circulaire et de matières premières recyclables et une volonté de transparence tout au long de la chaîne de valeur. Selon vous et vos différentes perspectives, quelle est la tendance la plus impactante pour vous ?  

MB – « Selon moi, la tendance la plus impactante est la demande de conception circulaire et de matières premières recyclables. Nous devons entièrement repenser la façon dont nous créons un produit. Aujourd’hui, nous pouvons déjà agir sur le choix des matières que nous utilisons, arrêter de consommer des ressources naturelles et faire du surcyclage. Des tonnes de vêtements sont produits par an, il est de notre devoir d’utiliser cette matière si nous voulons produire à nouveau. Dans le cadre de l’ouverture prochaine de la Caserne, j’ai déjà eu l’occasion de rencontrer des marques très créatives, qui se sont posés cette question et arrivent à faire des vêtements incroyables avec des déchets produits par d’autres industries. Je pense notamment à la marque CAHU dont la fondatrice utilise les déchets produits par l’usine de fabrication de châteaux gonflables de son père pour produire des sacs imitation cuir dans un style chic et épuré. La condition sine qua non d’une telle transformation dans les processus de création de produit est la collaboration : collaboration entre les gens, les institutions, les villes, les gouvernements… pour transformer l’industrie de la mode en une industrie plus durable et répondre à l’urgence de la situation. »

MiB – « Les trois tendances que vous avez citées sont des défis importants. Je ne pense pas que quelqu’un connaisse les statistiques exactes mais nombreuses sont les études et les experts qui tirent la sonnette d’alarme sur ce sujet. Les impacts de nos activités sont considérables et il faut les mesurer et les corriger. Je pense que la collaboration entre les différents acteurs comme l’a précédemment dit Maëva est essentielle sur ces sujets afin que de grands groupes comme les nôtres persévèrent dans la voie du changement.

« De nombreuses personnes parlent de ce que nous devons faire mais nous avons besoin d’actions concrètes pour qu’un réel changement s’opère »

Mais de mon point de vue personnel, il faut favoriser l’émergence de nouvelles marques disruptives avec de nouveaux business modèles. Le changement profond ne va pas venir des grands groupes mais de cette multitude d’acteur qui va s’emparer du marché et impulser une dynamique générale. En parallèle de cette impulsion, tous les acteurs quels qu’ils soient doivent travailler sur l’amélioration de leur transparence. Nombreuses sont encore les marques qui paraissent bien sous tout rapport et qui cachent des choses malsaines dans leur supply-chain. Mais je remarque une chose importante : de nombreuses personnes parlent de ce que nous devons faire mais nous avons besoin d’actions concrètes pour qu’un réel changement s’opère. »

NG – « Toutes ces tendances sont importantes : le recyclage est quelque chose qui existe depuis des siècles, mais pour l’adopter comme une réelle solution au problème que nous rencontrons il faut un changement général d’état d’esprit. C’est ce dont nous allons discuter justement du 30 janvier au 1er février 2020 lors de la première exposition universelle des solutions pour la planète organisée par Change Now au Grand Palais. L’ambition est de présenter une diversité d’acteurs du changement et les solutions qui répondent concrètement aux problèmes les plus urgents du XXIe siècle et les connecter à des investisseurs, grands groupes, citoyens, territoires… Kering sera aussi présent et nous aurons l’opportunité de discuter d’une mode plus durable. Pour revenir à ce changement général d’état d’esprit, le but de Who Care’s est de l’impulser. Nous avons rédigé un manifeste des 10 commandements d’une consommation responsable et nous l’avons fait diffuser par des personnalités engagées et ça c’est notre premier pas, chacun doit faire le sien. »

Le challenge du développement durable

Comme certains d’entre vous l’ont évoqué, le développement durable est perçu comme un challenge pour les marques de mode et de luxe. J’aurais voulu connaître votre opinion sur la manière dont ces marques doivent procéder pour transformer ces challenges en opportunités, en mettant en place des actions concrètes ?

MB – « La première chose que nous devons mettre en place est un système de mesure de notre impact car si nous ne le connaissons pas, nous ne pouvons pas le faire évoluer. Le EP&L est le meilleur outil que j’ai trouvé jusqu’à présent d’assez clair et d’assez facile à utiliser pour les marques. Cet outil, imaginé par Kering, est un compte de résultat environnemental qui mesure l’impact sur l’environnement de nos activités tout au long de notre chaîne d’approvisionnement et qui traduit cet impact en valeur monétaire. Pour pouvoir utiliser cet outil, il est nécessaire de mettre en place une deuxième chose : une collecte performante de data. En effet pour mesurer notre empreinte environnementale, l’outil réalise une mesure, à partir de notre data, de nos émissions de Co2, notre consommation d’eau, notre pollution de l’eau et de l’air, notre production de déchet, notre utilisation des sols… Il examine ces éléments tout au long de notre chaîne d’approvisionnement : matières premières, leur transformation, fabrication, assemblage, opérations et magasins. Le directeur du développement durable chez Chloé, Christophe Bocquet, me disait tout à l’heure qu’ils l’avaient mis en place au sein de l’entreprise et que grâce à ça ils économisaient beaucoup d’argent et pouvaient être transparents avec leurs clients. »

Maeva Bessis

MiB – « Nous rencontrons tous les mêmes défis à différentes échelles. Selon moi, le moyen de transformer ces défis en opportunités est la collaboration entre les marques. C’est d’ailleurs ce que nous avons commencé à faire en signant le « Fashion Pact » à Biarritz en 2019. De nombreuses marques se sont engagées pour limiter l’impact de la filière sur le climat, la biodiversité et les océans. Kering fût le premier signataire du pacte et nous mettons en place tous les jours des actions visant à l’appliquer et à atteindre nos objectifs. C’était un premier pas, il s’agit maintenant de continuer. »

NG – « Nous avons fait le constat que la situation n’était pas durable, il convient de créer un système qui puisse lui permettre de l’être. Pour que ces défis se transforment en opportunité, il est important de comprendre l’impact que nous avons à tous les niveaux. La clé est la connaissance. Sans connaissance aucun changement n’est possible. Il est important de connaître notre impact global sur l’environnement, les conditions de travail de nos employés dans les usines de nos sous-traitants, les matières premières que nous utilisons, que devient notre produit après avoir été consommé… Aujourd’hui c’est toutes ces dimensions qu’il faut prendre en compte pour pouvoir prendre des décisions justes selon nos objectifs RSE. »

Nora, vous travaillez avec Who Care’s sur la manière d’intégrer la RSE dans les entreprises, quel type de gouvernance doit selon vous être mise en place pour impulser ce changement ?

NG – « J’ai pu observer plusieurs types de gouvernance possibles pour s’occuper d’un tel sujet en entreprise : une fondation, un responsable RSE, une personne du marketing ou de la communication… Mais depuis quelques années on voit la fonction de Responsable du développement durable émerger au sein des comités exécutifs et c’est quelque chose d’important pour impulser ce changement. Il est nécessaire selon moi que quelqu’un mette en place les décisions et les actions au plus haut niveau de l’entreprise car c’est une préoccupation générale qui doit faire partie de la stratégie globale. Ce rôle que je préfère appeler « Chief Care Officer » est un rôle transversal. Les nouvelles générations se soucient des impacts de ce qu’elles portent et cette prise de conscience ne fait que grandir avec les années. Le fait de produire en respectant leur environnement et la société n’est même plus seulement une question de conscience pour les marques, c’est une question de survie. Si nous voulons encore être présent sur le marché dans 20 ans nous devons nous soucier de la durabilité de nos actions. It’s time to care ! »

Des actions concrètes pour changer le monde

Si vous deviez donner un mot de la fin, lequel serait-il ?

MB – « Le futur n’est pas un chemin vers lequel nous allons, c’est un chemin que nous créons alors allons créer le futur que nous voulons ! »

MiB – « Nous avons besoin d’actions concrètes pour qu’un réel changement s’opère. »

NG – « J’aime à imaginer qu’un jour quand nous discuterons avec nos petits-enfants, nous leur raconterons le moment où nous avons changé le monde ! »

VERTONE remercie Joselyn Ma l’organisatrice du World Law Forum ainsi que tous les acteurs avec qui nous avons pu échanger sur ce sujet passionnant.

Article rédigé par Elisabetta Portioli